Point défilement n’est aussi beau que la traversée d’une hideur naturo-humaine par un Train à Grande Vitesse. Des années de bons et loyaux services en ont fait mon bastion, mon autre chez moi, celui qui m’emmène de mon habitat à mon lieu de vie, de mon domicile à mon cocon, de mes familles à moi-même, l’autoroute de ma vie.
La France est mon endroit, ma maison personnelle. Les trains sont les pieds qui me permettent de changer de pièces que sont les villes. Chaque gare est la porte de ma chambre, de mon salon, de ma salle de bain… Quand on me demande d’où je viens, je me plais souvent à répondre : « de France ».
A quoi bon chercher, à 21 ans, j’ai déjà vécu ou séjourné longuement dans plus de 8 villes, j’ai déménagé 13 fois, et le nombre de cités qui m’ont vu passer dépasse mes capacités de calcul. Quant aux communes que j’ai eues ou ai encore projet d’investir, elles sont innombrables. J’ai la bougeotte, une curiosité sans égal a élu résidence dans mon âme. Chaque jour, j’espère apprendre, découvrir, rencontrer, partager. Je crois assumer pleinement le fait que je ne serais rien sans l’AUTRE.
D’aucun disait que « l’Enfer c’est les autres », à huis-clos je vous dirais que l’Enfer c’est moi-même et que les autres sont mon paradis, mon Eden de la multiplicité et de la différence. Qu’il soit avenant, sympathique, amical, mauvais, aigri ou malpoli, l’AUTRE me ravi, m’emplit, m’enseigne. Mais l’AUTRE ne me possède pas et je ne dois pas chercher à le posséder. Je l’aperçois, l’observe, je profite de sa présence d’esprit, de la présence de son esprit aux côtés du mien. J’aime qu’il contribue à me façonner, j’aime qu’il bouscule les certitudes d’un « habitus » qui me construit, comme un coup de masse dans le mortier qui cimente le mur de briques de mon moi-social, de mon moi-profond.
Malheureusement, dans un bonheur soudain, il m’arrive de m’attacher à l’un de ces Autres. La symbiose se rompt. Je voudrais posséder. Il n’y a plus « moi et l’AUTRE », il y a « moi, lui et ces autres ».
Mais qu’est-ce que ce sentiment d’attachement, cette émotion qui bouillonne quand je voudrais refroidir ?
La réponse ubiquitaire à toutes les questions sur le sens de l’attachement serait selon moi la suivante : S’attacher, c’est avoir peur de perdre l’autre.
Il n’est donc clairement rien de plus vicieux. L’attachement procure joies et sourires, rires et passions, charnelles ou non. Mais quoi de plus sale qu’un bonheur bâti sur la peur, qu’un bonheur qui engendre la peur ? D’ailleurs, le bonheur né-t-il du mal ou l’engendre-t-il ?
Alors maintenant que l’attachement à cet autre, à ce Lui, a de nouveau perturbé la synergie de mon existence, que dois-je faire ? Dois-je me battre pour quelque chose de vraisemblablement hors d’atteinte ? Cela ne serait-il pas un nouveau moyen de fatiguer mon âme fraîchement cicatrisée ? N’y aurait-il pas une forme de masochisme égoïste dans cette inéluctable recherche du bien-être qui semble m’animer ?
Je suis intimement convaincu que le bonheur ne vient pas seul, mais je suis tout autant persuadé qu’on ne le trouve pas en le cherchant. Car le bonheur, nous l’avons déjà tous trouvé, il est là, autour de nous. Encore faut-il que j’apprenne à m’en rendre compte et à m’en satisfaire. Douce utopie de mon âme paumée.
Mon esprit converse constamment avec lui-même. Dans un but obscur, il me pose mille questions auxquelles je tente de répondre. Le délire qui m’anime me fait rire de son rationalisme.